INTUBATIONS OROTRACHÉALES DIFFICILES
Cet article propose un protocole de gestion de l’intubation des patients de soins intensifs impliquant l’identification et le management des voies aériennes potentiellement difficiles pour éviter les complications réelles.
Habituellement on se concentre sur les caractéristiques anatomiques prévisibles d’intubation difficile.
L’article veut décrire la physiopathologie des complications de l’intubation, pour définir les situations de complication de l’intubation et comment y remédier.
Les altérations physiologiques pouvant se rencontrer avant l’intubation sont :
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Hypotension artérielle,
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Défaillance ventriculaire droite,
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Hypoxémie,
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Acidose métabolique sévère.
Hypotension artérielle : 3 recommandations
1. Chez les patients susceptibles de présenter une hypotension artérielle (précharge dépendance), chez ceux présentant une hypotension artérielle avant l’intubation ou chez ceux ayant un index de choc > 0.8 et donc à risque d’hypotension artérielle.
→ Nécessité d’une optimisation de l’hémodynamique avant l’intubation par remplissage vasculaire, utilisation d’amines vasopressives, utilisation d’agent d’induction ne donnant pas ou peu d’instabilité hémodynamique).
Index de choc = Fréquence cardiaque / Pression artérielle systolique.
2. Pour les patients ne pouvant attendre une stabilisation hémodynamique, on peut préconiser l’utilisation de bolus d’agents vasopresseurs.
→ L’Éphédrine est l’agent de choix en raison de son effet inotrope.
3. Pour les patients non en état de choc avant l’intubation et qui présente une baisse transitoire de la tension artérielle après intubation (vasodilatation ou effet inotrope négatif des agents d’induction, ventilation en pression positive), la Phényléphrine est l’agent de choix.
Défaillance ventriculaire droite : 5 recommandations
1. Réaliser une échocardiographie transthoracique (ETT) avant l’intubation pour différencier une dysfonction ventriculaire d’une défaillance ventriculaire droite. Ainsi, si le patient à une dysfonction ventriculaire droite (avec contraction maintenue), le remplissage vasculaire doit être prudent.
2. La préoxygénation est essentielle même si rendue difficile par le shunt intra-cardiaque et l’inadaptation ventilation perfusion.
3. Le choix de l’agent d’induction doit être prudent et plutôt en faveur de l’Étomidate. L’utilisation d’un morphinique en IV peut être utile pour lutter contre l’hypertension artérielle liée à la laryngoscopie.
4. La Noradrénaline IVSE peut être débutée avant l’intubation chez les patients hypotendus avec pour objectif d’augmenter la PAM au dessus de la tension artérielle pulmonaire.
Chez les patients normotendus, la Noradrénaline doit être préparée et prête à l’emploi en cas d’hypotension artérielle induite par l’induction ou la sédation.
5. Les objectifs de ventilation mécanique sont de maintenir une pression des voies aériennes basse et d’éviter la survenue d’hypoxémie, d’atélectasies et d’hypercapnie qui augmentent la postcharge du ventricule droit.
Hypoxémie : 3 recommandations
1. Pratiquer une préoxygénation passive au masque à réservoir pendant au moins 3 à 5 minutes.
2. Chez les patients avec un shunt physiologique (atélectasies, comblement alvéolaire par une pneumonie, ARDS ou œdème pulmonaire), la préoxygénation doit être pratiquée avec un dispositif de Ventilation Non Invasive à Pression Positive (VNIPP). Typiquement, on peut recourir à un mode VS-AI-PEEP avec FiO2 à 100%, AI basse (5-10 cmH2O) pour limiter la distension gastrique et le risque d’inhalation, PEEP 7-10 cmH2O pour permettre un recrutement alvéolaire et une meilleure oxygénation.
3. Chez les patients ne tolérant par la VNIPP, une sédation, une anxiolyse voire une intubation à séquence retardée doivent être envisagées pour permettre une préoxygénation optimale.
→ La préoxygénation est une procédure en soit et ne devrait absolument jamais être négligée.
Acidose métabolique sévère : 3 recommandations
1. L’intubation doit être discutée si possible en cas d’acidose sévère chez les patients pour qui le volume minute nécessaire ne pourrait être assuré par le ventilateur. Un court essai de VNIPP peut supporter le travail respiratoire du patient jusqu’à la correction d’une acidose métabolique sous jacente à l’acidose respiratoire.
2. Si l’intubation est nécessaire, le maintien d’une respiration spontanée devient un point critique tant pour l’intubation que pour la ventilation mécanique. Ainsi, le recours à une intubation vigile doit être envisagé.
L’utilisation d’un agent d’induction ne diminuant pas ou peu le drive respiratoire est recommandée, l’utilisation d’une crush induction privilégiera le recours à un curare de courte durée d’action.
3. Après l’intubation, il est recommandé de choisir un mode ventilatoire qui permet au patient de conserver son propre volume minute afin de maintenir la compensation respiratoire. Une attention particulière doit être portée à monitorer l’hyperinflation dynamique aussi bien que la fatigue respiratoire.
CONCLUSION :
Il est intéressant d’envisager l’intubation difficile en incluant le contexte dans laquelle elle survient. En effet, nous sommes tous bien au fait des différentes étapes pour faire face à une intubation orotrachéale anatomiquement difficile.
Par contre, considérer l’état de base de nos patients avant de pratiquer ce geste technique est une étape essentielle, l’intubation n’en sera que facilitée.
Cet article aborde 4 situations que nous pouvons fréquemment rencontrer avant d’intuber nos patients dans un contexte d’urgence.
Une attention particulière peut être portée sur le patient hypoxémique. En effet la préoxygénation est une procédure en tant que telle. Elle mérite vraiment que l’on s’y attarde et que l’on réfléchisse systématiquement aux meilleurs moyens de la pratiquer et de l’optimiser. L’utilisation de la VNIPP est, dans ce contexte, très intéressante.
Une de nos publications s’intéresse à la DSI (Delayed Sequence Intubation) ou intubation en séquence retardée, faisant la part belle à la préoxygénation et comment toujours essayer de l’optimiser.